(Publié integralement dans l’hebdomadaire grec Documento du 22 janvier 2023 https://www.documentonews.gr/article/alexandros-giotopoylos-einai-apofasismenoi-na-me-kratisoyn-fylakismeno-gia-panta/)
01/ Le 18 Juillet 2021, j’ai déposé une demande de mise en liberté conditionnelle. L’arrêt du Tribunal du mois d’octobre 734/2021, brillant modèle du théâtre de !’absurde, tandis qu’il accepte que je “remplis les conditions définies par la loi pour la libération conditionnelle, ayant purgé intégralement ma peine, c’est -à-dire 19 ans ferme, plus 6 ans avec les mesures avantageuses, rejette la demande au motif de non” repentir “. Violant ouvertement le Code Pénal qui ne prévoit pas le “repentir “, mais la” conduite “dans l’article 106.Jugeanr ma conduite bonne seulement en “apparence” sans citer aucun élément empirique qui le justifie.
Comme il était logique, j’ai interjeté appel le 29 octobre 2021. Alors que normalement la proposition du Procureur est notifiée au plus tard dans les deux mois, ici la proposition de la Procureure a été faite un an après le 5 novembre 2022 et c’était la copie fidèle de l’arrêt précédent. Puisque c’était la simple copie, pourquoi ne l’a-t-elle pas faite un an avant ? Pour prolonger ma détention d’un an, de 19 à 20ans et avec cette ruse grossière la continuer indéfiniment.
Comme vous l’imaginez, le nouvel arrêt du 8 décembre 2022,139/2002, rejette ma demande et copie fidèlement le précédent. Pour utiliser une expression populaire, les juges font les idiots. Ils me demandent le repentir, alors qu’ils savent très bien que depuis le premier jour, mon arrestation, et jusqu’aujourd’hui, pendant presque 21ans, je nie catégoriquement et de façon inébranlable l’accusation d’instigation. Comment pourrais-je me repentir de quelque-chose que je nie avoir commis ? Par conséquent ils savent que ce qu’ils me demandent est impossible et ils l’utilisent comme prétexte pour ne pas me libérer.
La copie est telle qu’ils n’hésitent pas à répéter sans broncher quelques perles du premier arrêt. Ils écrivent que si j’ai obtenu en prison un doctorat de mathématiques, c’est pour garder ma mémoire en éveil. Le lecteur se demande si le rédacteur est allé à l’école. Si quelqu’un veut exercer sa mémoire, il choisit quelque-chose de facile, comme les mots croisés ou du même genre et pas les Mathématiques Supérieures qui ne sont pas simplement difficiles mais très, très difficiles. Le rédacteur ne sait pas que les mathématiques supérieures ont très peu de rapport avec la mémoire. C’est pour ça que pendant certains examens de maîtrise, on permet au candidat d’avoir un livre, pour qu’il ne soit pas défavorisé s’il n’a pas une bonne mémoire
Il y a aussi une originalité. Si je suis libéré, malgré mon âge avancé (78 ans), je reste dangereux et je risque de perpétrer de nouveaux crimes, même si d’après le Jugement, pendant les 20 ans et plus des activités du 17Novembre, je n’ai participé à aucune action, quand j’étais jeune ! Le rédacteur ne se rend pas compte qu’il se tire dans les jambes. Parce qu’aujourd’hui, ce qu’on appelle communément terrorisme intérieur n’existe pas, depuis au moins 15 ans. Il n’y a même pas eu une action. Par conséquent, même si on suppose que je veuille convaincre quelqu’un, je ne pourrais pas, puisqu’il n’y a pas d’exécuteurs.
L’arrêt 139/2022, digne d’un Ionesco, a réussi une chose. Justifier !’ex-juge Antonia Ilia et sa déclaration “Le juge qui n’obéit pas aveuglément aux ordres de ses supérieurs détruit complètement sa carrière.”
2/ En 2015,2016 et 2017, j’ai déposé 3 demandes de mise en liberté, s’appuyant sur un autre règlement, celui du parag.2 de l’article 105, qui est une mesure de clémence pour les condamnés âgés de plus de 70ans.Le condamné à perpétuité de plus de 70ans peut être libéré s’il a purgé une peine mixte de 19 ans (c’est -à-dire avec les années de remise). En se basant aussi bien sur la jurisprudence que surtout sur l’arrêt de la Cour de Cassation (C.C.1169/2009) qui fait la même interprétation et exclut clairement l’application parallèle du parag.6(qui prévoit 19 ans ferme). Malgré le fait que les conditions requises étaient remplies, les trois arrêts ont rejeté ma demande en ignorant ostensiblement l’arrêt de la Cour de Cassation (1169/2009) en soutenant que je dois purger 19ans ferme.
Ce qui est agaçant ici, c’est que leur argumentation abolit la mesure de clémence du parag.2 de l’article 105, abolit le règlement (mesure de clémence qui est différente de celle prévue pour ceux qui ont plus de 65 ans). Je leur ai adressé la question publiquement :”Bien, puisque vous n’êtes pas d’accord, quelle est la mesure de clémence qu’offre le paragr. 2 ?”Leur silence fut écrasant et il l’est jusqu’aujourd’hui.
Devant le dilemme, entre respecter la loi, l’appliquer et me libérer ou l’abolir, ils ont préféré le second, en violant tout principe de droit, puisque les lois sont votées par le Parlement et non par les juges. Et on n’a pas vu l’Union des juges intervenir-si prompte dans d’autres cas-pour blâmer cette violation et ce mépris des principes et des institutions de la part des juges.
Cette question resurgit aujourd’hui. Ils avaient alors prétexté que je n’avais pas purgé 19ans ferme. Mais aujourd’hui, je les ai purgés et au-delà,20ans et demi. Alors, pourquoi ne me libèrent-ils pas en vertu du même parag.2 de l’article 105 puisqu’il est toujours le règlement le plus favorable ?
03/. Le 17 juillet 2019,j’ai déposé une demande de mise en liberté avec le numéro d’enregistrement 33476/17-7-2019, d’après le parag.4 de l’article 110 A du nouveau Code Pénal 4619/2019,qui dit que “le condamné qui purge plusieurs peines de perpétuité peut être libéré s’il est resté en prison pendant 16 ans .”Pendant 15 mois j’ai attendu la proposition du Procureur .Le 21 octobre2020,un avocat mandaté est allé au secrétariat des Tribunaux du Pirée pour demander la cause de ce retard .C’est avec une surprise et une incompréhension immenses -ausi bien de la part des secrétaires -qu’il a constaté qu’il n’y avait aucune demande et qu’elle n’avait jamais existé! C’est-à-dire qu’ils ont préféré une action mafieuse à la légalité, jeter ma demande à la poubelle.
Le but était d’abolir le principe de l’application du règlement le plus favorable du nouveau Code Pénal pour la grande masse des prisonniers. Apparemment, un texte écrit, même avec leur argumentation spécieuse, risquait de les ridiculiser, alors qu’avec l’action mafieuse, ils abolissaient le principe de facto, d’un seul coup. Il est clair qu’ils ont dû faire quelque chose d’analogue aux demandes des autres détenus.
Le 1-er juillet 2019, j’avais déposé une autre demande de mise en liberté sous contrôle électronique, d’après le même article 110 A.A cette demande, ils ont répondu avec un arrêt qui disait que d’après une loi de 2013, je n’avais pas ce droit. Mais d’après le principe fondamental Nullum Crimen Nulla Poena Sine Lege, l’application rétroactive d’une loi défavorable ultérieure est formellement interdite et j’ai été arrêté en 2002.
En ce moment historique, la Justice grecque est tombée en déchéance. C’était la première fois où avec sa pratique elle a aboli, pour la grande masse des détenus, les deux premiers articles de base du Code Pénal qui constituent le fondement de la jurisprudence de la Cour Européenne. Elle est donc ouvertement antieuropéenne, elle est congolaise, sans que ceci ne soit une pointe contre ce pays maltraité. Parallèlement, on a une invocation sélective et exceptionnelle des principes, principalement dans deux cas. D’abord les cols blancs pour les libérer plus facilement et ensuite en « apparence », comme dans mon cas. Ils prétendent qu’ils appliquent l’ancien Code Pénal comme plus favorable (alors qu’il ne l’est pas) et ils introduisent ensuite l’instrument moyenâgeux du ”repentir” pour neutraliser la matérialisation effective du principe.
En finissant et puisque l’instigation est un acte et non un fantasme, je vais répéter les questions que j’ai déjà posées dans le passé à la Justice sans recevoir de réponse :
-cette instigation, c’est-à-dire le procédé qui aboutit à l’adhésion des exécuteurs à l’instigateur, dans quel espace a-t-elle eu lieu ? dans une maison ? dans un bureau ? dans un café ? dans la rue ? dans une maison clandestine ? Où, finalement ?
-quand a-t-elle eu lieu ? à quelle heure environ ? quel jour ?
-quelles étaient les conditions météorologiques ? il y avait du soleil ? il faisait froid ? il pleuvait ?
-quelles personnes étaient présentes ?
-quels mots ont-ils été exactement prononces ? Pour des affaires aussi graves que des homicides, mes mots précis ne peuvent pas être oubliés.
Et ces détails doivent être donnés pour 17 cas différents, puisqu’il s’agit de 17 instigations.
Si ces réponses sont données, j’accepterai sans délai qu’il y a un État de Droit et que ma condamnation a été le résultat d’un procès équitable. Mais si elles ne sont pas données, ce sera le contraire. Et surtout, qu’à lui seul, mon cas démontre qu’il n’y a pas d’Etat de Droit dans ce pays.
Conclusion : Je n’aurais pas dû être condamné pour instigation, j’aurais dû être libéré en 2015 avec le parag.2 du 105, j’aurais dû être libéré en juillet 2019 avec les parag.2 ou 4 du 110 A du nouveau Code Pénal 4619/2019.J’aurais dû être libéré en juillet 2021 avec le parag.6 du105.Aujourd’hui, le 5 janvier 2023, je viens de recevoir le nouvel arrêt 139/2022 qui rejette encore une fois ma demande de mise en liberté conditionnelle. Il est évident que certains, en violation de tout principe de droit, sont décidés à me garder prisonnier pour toujours, jusqu’au moment fatal, à la gloire de la démocratie et de l’Etat de Droit.
Janvier 2023
Prison de Korydallos(Grèce)
Alexandre Yotopoulos