Dernièrement, on a soudain beaucoup parlé de la situation dans les prisons grecques, en cette période où sont prises des mesures restrictives pour la prévention contre le coronavirus.
A propos de l’affaire du détenu Vassilis Dimaki *, et de sa juste revendication, je tiens à déclarer que je souscris aux appels et aux protestations publiés ces jours-ci, qu’ils proviennent des prisonniers qui s’élèvent contre les conditions carcérales, de ses parents ou d’organisations et associations pour la défense des droits de l’homme.
Maintenant, avec la pandémie,on commence à parler des droits et de la protection des prisonniers, des migrants et des SDF. Mais j’ai bien peur qu’une fois de plus, on ne découvre que ce qui constitue la “normalité” depuis des années
Une République qui respecte ses principes démocratiques devrait protéger efficacement ceux qui sont totalement vulnérables, parce que les plus exposés et que leur vie est en danger.
Compagne d’Alexandre Yoyopoulos ( 76 ans ), détenu depuis 17 ans et 10 mois, les cinq dernières années dans l’aile n°5 de la prison de Korydallos,, je peux affirmer que la situation dans les prisons Etait et Est terrible pour les prisonniers . Certains côtés de cette situation sont consignés de la façon la plus énergique, non dans une lettre de détenus mais dans un rapport du Comité Européen pour la prévention de la torture publié il y a quelques jours, relatif aux mesures prises contre la pandémie.
Au contraire de ce que déclare le gouvernement qui n’a même pas osé permettre le désengorgement des prisons avec une ordonnance jamais publiée , je tiens à assurer qu’aucune mesure sérieuse n’a été prise pour la protection de la santé et de la sécurité des prisonniers , parmi lesquels des personnes particulièrement fragiles à cause, exactement, de ces conditions de détention inadmissibles, souffrant d’affections profondes ou encore d’un âge avancé.
Je peux assurer que pendant ces deux mois de confinement où ” nous restions chez nous pour nous protéger, nous et nos êtres chers”,les prisonniers étaient à la merci d’une probable dissémination du virus, dans des conditions d’hygiène inexistantes, sans accès aux services de santé . Dans l’aile 5, il y a 20 dortoirs, 19 avec 15 détenus et le 20ième avec 26 personnes. Chaque dortoir n’a que 2 lavabos. Tout cela,en violation flagrante du Code Pénitentiaire et de la législation européenne qui prévoient un maximum de 6 personnes par dortoir.
Le 3 mars, les visites des parents et des avocats ont été interrompues, ainsi que les permissions régulières de sortie . Depuis 2 mois,les conditions de vie de ces êtres n’ont eu aucune place dans le point quotidien d’information du Ministère de la Santé, sinon, celle celle d’une “bombe sanitaire” dans la société. De la même façon exactement que pour les migrants et les SDF.
Maintenant, nous découvrons également que sont violés les droits fondamentaux des prisonniers, comme le droit à l’éducation.
Maintenant nous découvrons que la règle du système pénitentiaire est le prolongement de la peine, avec des transferts punitifs sans fin, avec la privation des droits, avec la violations de règlements essentiels de la législation européenne.
Ayant vécu de près cette réalité pendant près de 18 ans, je trouve pour le moins hypocrite de n’en voir qu’une partie .. Dans le cas d’ A. Yotopoulos qui purge une peine d’emprisonnement à perpétuité et qui remplit depuis longtemps, en raison de son âge, les conditions requises par la loi pour sa mise en liberté, les violations ci-dessus étaient et sont la seule réalité. Durant des années, ses demandes de permission de sortie, 8 , ont été rejetées. Quant à la 9ième, déposée en octobre 2019, elle reste sans réponse jusqu’à ce jour, alors que le délai fixé est de 2 mois. C’est aujourd’hui le seul prisonnier qui n’a eu aucune permission. Son droit à l’enseignement a été entravé par tous les moyens. Et pourtant, il réussi à obtenir deux diplômes grâce à l’enseignement à distance de l’Université française Paris Diderot.
Aujourd’hui, il a terminé sa thèse de Doctorat en mathématiques. Sans accès à un ordinateur,disposant de quelques livres, d’un stylo et de papier. Et de sa dignité pour affronter seul l’attitude hostile de l’administration pénitentiaire.
Il y a à peu près un an, avec de nombreux citoyens de Grèce et d’autres pays européens, j’ai signé un texte qui a été publié dans la presse : ” le principe de l’égalité devant la loi est-il toujours respecté en Grèce ?”
( journal Documento 9 juin 2019 ).
Un an plus tard, la même interrogation revient avec insistance et exige une réponse. Pour tous ceux qui croyons à une société démocratique.
* V.Dimakis, détenu à Koridallos, a été brutalement transféré à la prison de Grévéna, au nord de la Grèce , ” pour des raisons de sécurité “. Lesquelles ? Il est en grève de la faim et de la soif . Il demande à être ramené à Korydallos pour pouvoir continuer ses études.