COMMENT LES JUGES TAILLENT LES LOIS EN PIECES

(Lettre de A. Yotopoulos publiée dans le journal Documento, dimanche 8 juillet 2018

https://www.documentonews.gr/article/alexandros-giwtopoylos-pws-oi-dikastes-koyreliazoyn-toys-nomoys)

Dans le but de faire obstacle à ma mise en liberté légitime, certains juges ont bafoué l’art. 105 du Code pénal, en l’ignorant, en le falsifiant, en violant ainsi l’esprit et la lettre dudit article. Ces deux dernières années, j’ai déposé quatre demandes de mise en liberté qui ont été toutes rejetées. Les deux premières réponses s’appuient sur des arguments extravagants et les deux autres ont été archivées par les procureurs sans la moindre explication. Étant donné) qu’à première vue tout cela paraît invraisemblable, je suis donc obligé, au risque d’être fastidieux, de mentionner quelques éléments d’information. J’invite le lecteur à les vérifier en le renvoyant au Code pénal 2015 de M. Spiridakis, Éd. Sakkoula.

Violation n°1 : conformément à l’art.  105, § 2 du Code pénal (p. 47), un condamné à perpétuité de plus de 70 ans, s’étant acquitté d’une peine de 19 ans, est mis en liberté la 19ème année, même si une peine supplémentaire, outre celle de la perpétuité, lui a été infligée. La peine est calculée avec les mesures d’indulgence prévues pour deux raisons : la première raison se réfère à l’alinéa 1 du § 6 de l’art. 105 (p. 49), à savoir : « pour une remise en liberté conditionnelle la peine purgée est calculée de façon favorable (pour le détenu) selon les dispositions en vigueur». Donc, du moins pour l’art. 105, la « peine expiée » est censée être la plus favorable.  La seconde raison résulte d’une comparaison entre l’avantage accordé à un détenu âgé en réclusion temporaire (2/5 de la peine) et celui accordé à un détenu plus jeune (1/3 de la peine), alinéa 2, § 6, p. 49. Étant donné que les 2/5 sont plus longs que 1/3, les 2/5 ne peuvent pas être réels car, dans ce cas, il n’y pas de bénéfice et le détenu plus âgé purge une peine plus longue que le plus jeune.

Donc, logiquement pour le condamné à perpétuité les 19 ans sont calculés avec les mesures d’indulgence. En novembre 2015, lors de ma première demande, j’avais purgé 20 ans, aujourd’hui 28 ans et demi et ma mise en liberté continue de m’être refusée (peine réelle : 15 ans et 11 mois, plus 9 ans et 4 mois, en raison de l’âge et 3 ans et 3 mois pour obtention d’un Master en Mathématiques octroyé par une université française). Il est toutefois important de souligner que telle est l’interprétation de l’ordonnance 1169/2009 de la Cour de Cassation qui précise que « le § 2  est une disposition spécifique qui régit systématiquement et intégralement la mise en liberté conditionnelle des détenus âgés, tout en excluant explicitement l’application concomitante du § 6 ». Les juges en rejetant ma demande refusent l’ordonnance 1169/2009, sans pour autant répondre à la question cruciale : quelle est, selon eux, le bénéfice exprimé en termes clairs, concis et mesurables,  tel que prévu par le § 2, alinéas 1, 2, 3 pour les détenus de plus de 70 ans et en quoi diffère-t-il de celui accordé aux plus de 65 ans ?

Ils vont me rétorquer qu’ils ne répondent pas à des condamnés « terroristes ». Mais c’est la logique, la raison, leur « science » et  l’ordonnance 1169/2009 qui les interpellent ! Éluder la réponse signifie qu’ils ne peuvent pas répliquer, qu’ils sont conscients de la fraude qu’ils commettent en abolissant une disposition législative, la seule qui m’autorise une mise en liberté conditionnelle.

Violation n°2 : le § 4 de l’art. 105 du Code pénal (p. 48), stipule : « en tout état de cause, le détenu peut être libéré s’il a passé 25 ans en détention et si le cumul des peines purgées dépasse cette limite ». Selon l’alinéa 1 du § 6, les 25 ans sont calculés avec les mesures d’indulgence prévues et, partant, j’ai le droit d’être mis en liberté dès lors que j’ai expié 28 ans et demi de la peine. Cette disposition est sans équivoque. La seule et unique signification est la mise en liberté après une détention de 25 ans, calculée avec le bénéfice accordé et indépendamment de la peine réellement purgée. Toute autre interprétation se référant à la peine minimum réellement exécutée rendrait cette disposition nulle et non avenue, étant donné que le § 6 prévaut sur le § 4. Il s’agit, en fait, de l’abolition d’une disposition législative autorisant ma mise en liberté conditionnelle.

Violation n°3 :   Ici nous abordons le « cœur » même de la fraude et de la déraison. Selon le § 6, accorder la mise en liberté conditionnelle à un condamné à perpétuité, présuppose que ce dernier ait purgé 15 ans de la peine réelle, durée majorée des 2/5 des peines cumulées ». En conclusion, « un détenu peut être libéré après 19 ans d’incarcération » (alinéa 4, p. 49). Selon l’alinéa 1 du § 6, mentionné ci-dessus, cette exécution de peine est calculée, par définition, de façon favorable, soit 15 ans de peine réelle  et 4 ans, soit en fonction des mesures d’indulgence. Étant donné la définition figurant au premier alinéa du § 6 les 19 années ne peuvent être une durée réelle car, le cas échéant, il conviendrait de le mentionner de façon explicite. Ceci est à la portée d’un simple lycéen et, par ailleurs, confirmé de façon absolue et incontestable si nous comparons le § 6 avec l’article 110B, § 2 (p. 55), d’un contenu similaire, qui se réfère au cas particulier de la mise en liberté conditionnelle sous surveillance électronique. Au § 2, il est question d’une mesure semblable à celle énoncée au § 6 de l’article 105. Seuls les chiffres diffèrent, dès lors qu’il s’agit d’un bracelet électronique. La citation conclut verbatim à l’alinéa 3 du § 2 : « en tout état de cause, le détenu peut être libéré s’il a réellement (je le souligne) passé 14 ans en établissement pénitentiaire. En revanche, les 19 ans stipulés au § 6 de l’article 105 ne peuvent donc être une durée réelle, faute d’être explicitement formulés.

En vue de contourner cette logique limpide, les juges émettent deux avis différents, tous deux aux antipodes de la raison. Selon les conclusions du Vice-Procureur du Tribunal d’Instance présentées en 2016 et reprises mot à mot par la Vice-Procureure actuelle, je dois exécuter 19 ans de détention, toutes peines cumulées, plus les 2/3 de 25 ans, soit 10 ans supplémentaires ; au total, 29 ans. Ici nous sommes en présence de deux escamotages. Le premier étant que l’on semble ignorer que le Code pénal ne prévoit nulle part le cumul de plusieurs peines de réclusion à perpétuité. L’article 94 (p. 39) et les suivants se réfèrent aux peines cumulées, mais seulement dans le cas de réclusion temporaire. Le Code pénal ne fait nulle part allusion à des peines cumulées de réclusion à perpétuité. Le § 6 prévoit une peine à perpétuité accompagnée d’une peine de réclusion temporaire, dès lors qu’il mentionne un calcul des 2/5 de la peine. Par ailleurs, les 2/5 de 25 correspondent à 10 ans et le dernier alinéa 4 fixe un plafond limité à 4 (19 moins 15) et non à 10 ans qui, comme je l’ai prouvé précédemment sont calculés de façon favorable et non réelle. M. le Vice-Procureur dans un effort désespéré déployé pour me condamner à la plus lourde peine de réclusion, a négligé de constater que ses conclusions étaient un « bijou » de contradiction, d’incohérence et d’injustice. Car, en effet, il propose une détention de 4 ans pour la perpétuité, alors que pour la peine plus courte de 25 ans, il conclut à une détention de 10 ans, c’est-à-dire deux fois et demie plus longue ! Le rationalisme se venge toujours.

Le second avis, celui des juges de la Cour d’Appel, est encore pire et relève encore plus du théâtre de l’absurde. Selon cet avis, je devrais purger 17 fois une peine de 19 ans, soit 323 ans !

Par conséquent, conformément à la disposition du § 6, j’ai droit à la mise en liberté.

Violation n°4 : le § 1 de l’art. 106  (p. 50) du Code pénal stipule : « la mise en liberté conditionnelle est, quoi qu’il en soit, accordée excepté si une présomption d’évasion – suffisamment étayée – du détenu au cours de son incarcération, rend absolument nécessaire la poursuite de l’exécution de la peine, afin d’éviter que ce dernier ne commette de nouveaux actes criminels ». Je suis étonné de constater que les juges n’aient pas mentionné, en guise de motivation, que je détenais, en prison, des armes dangereuses telles qu’un diplôme universitaire, un Master en Mathématiques et une thèse de Doctorat et que je suis donc suspect de m’apprêter à commettre des actes criminels.

Il s’agit donc aussi d’une violation de l’art. 106.

Il est évident que certains juges ont trouvé un moyen fort simple de contourner la loi. C’est ce que l’on appellerait dans un langage familier « des propositions dingues ».

Il est « dingue » d’annoncer que je dois purger une détention de 323 ans, que je dois exécuter une peine réelle de 29 ans, il est « dingue » d’abolir quasiment la totalité des articles 105 et 106 en leur attribuant un contenu contraire à leur teneur réelle. Il est « dingue » de constater que les Procureurs de la Cour de Cassation mettent mes demandes aux archives, violant, ce faisant, l’art. 139 du Code de Procédure pénale qui exige une motivation, l’ordonnance 1169/2009 étant, par ailleurs, toujours valide.

Pendant sept siècles, de 1100 jusqu’en 1870, en Europe mais aussi en Amérique, des procès ont été engagés contre des animaux de la façon la plus officielle et formelle possible. Des juges, des avocats, des délibérations, des plaidoiries en Latin, des arrêts. Des dizaines d’animaux ont été condamnées, certains à la peine de mort. Des vaches, des chevaux,  des porcs, des chiens, des boucs, des rats, des sauterelles, des anguilles, des sangsues, etc. Apparemment, nombre de juges grecs continuent à appliquer, aujourd’hui encore, cette pratique « animale » aux détenus. Ils les considèrent comme des illettrés, comme des êtres dénués de raison, comme des animaux. Ils leur livrent n’importe quelle élucubration, afin de leur infliger la plus lourde peine possible. Ils bafouent ainsi les lois ou leur confèrent une teneur contraire à la finalité réelle des textes.

Selon l’art. 87, § 2 de la Constitution, « les juges sont tenus, dans l’exercice de leur fonction, de respecter seulement la Constitution et les Lois », tandis que l’art. 139, § 2 du Code de Procédure pénale stipule : « la motivation est exigée, sans exception, pour tous les arrêts, les ordonnances et les dispositions, même si cela est spécifiquement requis par la loi ou si de telles décisions sont définitives ou en cours de procédure de renvoi ou si leur adoption est laissée à la discrétion et à la libre appréciation du juge qui les a prononcées ». Lorsque c’est le contraire qui se produit, à savoir lorsque la Constitution et la Loi sont soumises à l’idéologie du juge, il n’y a plus d’État de droit. Certes, nous sommes en République, puisqu’il existe des élections, mais l’État de droit fait défaut. L’indépendance de la justice dégénère en immunité.

C’est ce qu’attestent deux sondages organisés au début de l’année. Selon les résultats, 67 % des sondés de la première consultation et 73 % de la seconde, ne font pas confiance à la Justice. Un pourcentage accablant puisqu’il s’agit d’une majorité écrasante des 2/3. Seuls les politiques et les journalistes expriment un avis favorable envers la Justice. Malheureusement pour les Juges, la méfiance exprimée lors des mêmes sondages à l’égard de ces deux catégories va jusqu’à dépasser celle dont la Justice fait l’objet, pour atteindre les 90 % ! 

Ce constat ne surprendra personne. Il suffit à tout un chacun de consulter les arrêts des tribunaux relatifs à des questions cruciales. Il aboutira aisément aux mêmes conclusions. Citons la décision sur le Mémorandum, le scandale de la Bourse avec les obligations structurées, le scandale du Vatopedi, la liste Lagarde, le navire Noor avec les 2 tonnes d’héroïne, les licences télévisuelles, l’origine du patrimoine des juges… Et rien de décisif n’est à attendre du scandale Novartis.

Qu’attendre d’une Justice qui, soixante-dix après, n’a pas encore réhabilité le nom du journaliste Staktopoulos condamné à mort et exécuté en 1948 pour l’assassinat du journaliste américain Polk, alors qu’il était innocent ?

Juin 2019

Prison de Korydallos

A.G

P. S. Le 24 avril, j’ai déposé la 5ème demande de mise en liberté. Le Procureur l’a rejetée en une semaine et le Conseil en un mois moyennant des procédures sommaires. En mettant ainsi à mal la logique et la raison. De façon fallacieuse, ils s’adonnent à cette mascarade de justice en prétendant que je dois exécuterà une peine réelle de 19 ans.  Donc, les 19 ans du § 2 de l’art. 105 du Code pénal, purgés par un septuagénaire sont réels. Partant, les 2/5 de la réclusion temporaire le sont aussi. Donc, les 2/5 sont plus courts que le 1/3 dont doit s’acquitter un détenu moins âgé, bénéficiant de mesures d’indulgence. Et pourtant, non ! Ils sont arrivés à accomplir l’exploit d’inverser les bases de l’Arithmétique et des Mathématiques valables de l’Antiquité à nos jours !

Je répète que j’ai purgé, selon les termes de l’alinéa 1 du § 6 de l’art. 105 du Code pénal, une peine de 29 ans et demi, dont 16 ans (à un mois près) sont réels. Et ce, sans avoir obtenu la moindre permission de sortie, malgré les sept (7) demandes rejetées. En prison, j’ai connu plus de dix Procureurs. Parmi eux seulement deux, un homme et une femme, étaient dignes de respect. Les autres n’étaient que 3des simulateurs.