(Lettre de Dimitris Scarpalezos publiée dans le journal Documento, Dimanche 28/8/ 2019)
https://www.documentonews.gr/article/kratos-dikaioy-h-kratos-dikastwn
Une des caractéristiques principales de l’Etat de Droit est non seulement la séparation des pouvoirs mais aussi leur limitation par la validité générale de la loi. Le législateur légifère mais seulement dans le cadre et les limites de la Constitution. Le pouvoir exécutif gouverne mais seulement en respectant l’application de la loi. Le pouvoir judiciaire est responsable de décider qui est coupable et qui est innocent et de fixer la peine imposée mais seulement dans la limite des lois en vigueur. Tous ces pouvoirs sont tenus de fonctionner en respectant la logique élémentaire et en justifiant leurs décisions avec des arguments rationnels et contrôlables fondés sur le principe de la validité générale des lois. Dans une démocratie, tout citoyen a le droit de contrôler si le pouvoir respecte ces principes de base de l’Etat de Droit. Il est inadmissible que l’application des lois dépende des intérêts politiciens ou des pressions internationales. Il est inadmissible que les juges, pour des raisons idéologiques, appliquent les lois avec “une géométrie variable”. Dans ce cas, l’Etat a le devoir d’empêcher les décisions arbitraires, même celles des juges quand ils refusent d’appliquer la loi. La qualité d’un État ne se mesure pas tellement dans les cas faciles (par exemple ceux où tous sont d’accord pour une mesure de clémence) mais dans les cas “difficiles”, c’est -à-dire précisément quand la démocratie doit prouver qu’elle applique ses propres principes même si cela est désagréable pour certains ! Le cas du traitement des condamnés au procès du 17 Novembre (le déroulement même du procès) est une des pages les plus noires de la justice grecque : le fameux État de Droit y a été mis à l’épreuve et a été couvert de honte. Au procès, un pamphlet journalistique était davantage pris en compte par certains juges que les données de l’instruction ! Les règles de preuve et de présentation des indices ont été contournées sous la pression d’interventions politiques ouvertes et sous l’influence d’intérêts économiques car une issue “défavorable” du procès risquait d’empêcher les Jeux Olympiques et les affaires juteuses qui en dépendaient.
Après le procès et de manière systématique, les mesures d’indulgence généralement appliquées ont été refusées à ces condamnés uniquement sur la base d’intérêts politiciens tandis que naturellement elles étaient appliquées sans problème aux condamnés de droit commun ! Ainsi, les permissions de sortie auxquelles ils avaient droit leur étaient trop souvent refusées tandis qu’elles ne posaient aucun problème dans le cas des condamnés de droit commun “non politiques” qui ont commis des crimes sous le mobile “compréhensible”(et somme toute “plus noble”?)du gain personnel !Le cas le plus scandaleux est celui d’Alexandre Yotopoulos qui a été condamné sans preuves suffisantes mais pour qui l’application de la loi est systématiquement repoussée, pour ne pas froisser les haines et les préjugés politiques d’une partie du monde politique et du corps judiciaire. L’octroi de permissions de sortie devrait aller de soi dans son cas car il y a eu de nombreux cas de jurisprudence dans ce sens, y compris pour des condamnés au procès du 17 Novembre qui ont finalement eu des permissions. Mais jamais Alexandre Yotopoulos pour lequel cette mesure, pourtant inscrite dans la loi n’a jamais été appliquée, avec des prétextes tirés par les cheveux et sans aucune justification raisonnée comme l’impose la loi. De même il lui a été interdit d’avoir un ordinateur pour sa thèse de mathématiques, de correspondre électroniquement avec sa directrice de thèse. Il en est de même pour la libération conditionnelle prévue par la loi grecque, après 17 ans de séjour en prison, que les juges refusent exceptionnellement dans le cas de Yotopoulos, sans justification explicite, ce qu’ils sont tenus de faire par la loi. La libération de détenus après un certain nombre d’années de séjour en prison ou Pour des raisons de santé décrites par la loi est une règle dont ont profité jusqu’à Patakos membre de la junte des colonels ainsi qu’une série de condamnés pour des crimes particulièrement horribles. C’est-à-dire, on arrive à une situation insensée où, exceptionnellement dans le cas de Yotopoulos, les lois ne sont pas appliquées et ceci sans aucune justification juridique !
Dans des cas pareils, l’Etat a le devoir de protéger les citoyens des préjugés et de la haine arbitraire de certains juges et de compléter les lois par des décrets qui perm au ettent l’application des lois dans la lettre et l’esprit dans lequel elles ont été votées. Le pouvoir exécutif doit et peut exiger des juges d’appliquer les lois votées par le pouvoir législatif et demander des comptes à tous ceux qui refusent de faire leur devoir et qui refusent même de justifier juridiquement leurs décisions arbitraires au lieu d’agir en respectant les lois et la logique la plus élémentaire.