(LETTRE DE ALEXANDRE YOTOPOULOS PARUE DANS LE JOURNAL DOCUMENTO LE 28_12_2021
https://www.documentonews.gr/article/kat-epifasi-nomimotita-sti-metaxeirisi-giotopoyloy/)
Légalité “en apparence” dans le traitement de Yotopoulos
(Journal DOCUMENTO 28/12/2021)
Katerina Kati
Dans la Grèce de 2021, nombreux sont les exemples qui montrent les carences de la Justice. Dans le cas d’A.Yotopoulos, il n’y a pas simplement carence. Entre la Justice et son exercice, s’élève une muraille de fourberies, de lapins médiévaux, sortis des chapeaux de prestidigitateurs qui exigent le reniement de ses opinions, l’apostasie. Ces pratiques moyenâgeuses n’honorent pas un État de droit,qui essaie de couvrir son absurdité morale et judiciaire d’un voile de légalité.
Expliquons-nous.
Alexandre Yotopoulos, le seul détenu en Grèce qui n’a jamais eu de permission de sortir, pas même un jour, et cela après 19ans de détention, a été informé, au début du mois, du rejet de sa dixième demande. Mesure prévue par le législateur pour tout détenu remplissant toutes les conditions, comme c’est son cas.
Une fois de plus, avec une argumentation extravagante, le Conseil a vu derrière une conduite exemplaire”une bonne conduite en apparence”et a privé A.Yotopoulos des bouffées de liberté auxquelles il a droit comme tout prisonnier à intervalles réguliers. Indépendamment des délits pour lesquels il a été condamné, indépendamment de la peine qu’il purge. Avec uniques critères le temps indispensable de détention et la bonne conduite pendant cette détention.
Et pour bien comprendre l’absurdité de l’argument de bonne conduite “en apparence”, il suffit de rappeler qu’A.Yotopoulos, au seuil de ses 78 ans, et malgré les conditions extrêmement difficiles qui règnent dans les prisons grecques, sans les instruments évidemment Indispensables, comme un ordinateur et l’accès à internet, a soutenu sa thèse de doctorat et a été proclamé Docteur en mathématiques de l’université de Paris. C’est la première fois, aussi bien en Grèce qu’en France, qu’un détenu parvient à suivre des études universitaires depuis le premier cycle jusqu’à la soutenance d’une thèse de doctorat en prison.
Lisez la lettre qu’A.Yotopoulos a envoyée à Documento.Il y révèle les dessous du rejet prévisible d’une demande de permission qui a attendu deux ans avant d’être examinée par le Conseil:
“De nombreux juristes ont suivi le procès du 17 N en première instance. Parmi eux, le Président de la Fédération Internationale des Droits de l´Homme (F.I.D.H.), maître Patrick Baudoin. Il a déclaré après la fin du procès: “La justice grecque, en ce qui concerne Yotopoulos, se comporte comme une justice de dictature”.
Ces paroles me sont récemment revenues à l´esprit, lors de la “réunion” du Conseil qui examinait ma 10ème demande de permission de sortir. J´avais déposé ma demande le 21 novembre 2019. Pendant 22 mois, c´est-à-dire jusqu´au 22 septembre 2021, je n´ai pas été convoqué, même si malgré la suspension dûe à la pandémie, des permissions ont été accordées, pendant au moins 9 mois. C´est après ma démarche en septembre que le Conseil m´a convoqué le 11 novembre.
D´emblée, la nouvelle Procureure, Madame M. Soukara-Katsikadi a avancé trois points qui m´ont stupéfait. Premièrement, le fait que je n´ai pas eu de permission jusqu´à ce jour est dû à la lourdeur de ma peine. Point de vue juridiquement faux. Dans le rapport du Défenseur du Peuple 369/07/2/1-8-2008 relatif aux permissions, publié dans le livre “Code Pénitentiaire et textes joints de L. Margaritis – N. Paraskévopoulos”, page 55 paragraphe 2, on lit: “Notons tout d´abord que le Code Pénitentiaire précédent (en vigueur de 1989 à 1993) permettait, pour l´octroi d´une permission, de prendre en compte l´activité criminelle du détenu et en général “son passé”, alors que le Code Pénitentiaire (art.55) est centré sur l´attitude du détenu après le crime et particulièrement sur son présent, c´est-à-dire sur sa conduite pendant l´éxécution de sa peine (art.106 du Code Pénal). Plus généralement, le crime commis et la lourdeur de la peine ne sont pas pris en compte comme des critères à considérer pour l´octroi de la permission”. Donc, ce que dit Madame la Procureure ne tient pas.
Deuxièmement, elle me dit qu´à partir du moment où l´arrêt du Conseil Juridique a rejeté ma demande de libération conditionnelle, elle ne peut pas me donner de permission. Logique insensée selon laquelle le rejet du maximum (libération) implique le rejet du minimum (permission). C´est comme dire que quelqu´un qui a échoué à l´examen de pilote n´a pas le droit au permis de conduire une voiture!
Troisièmement, elle me presse de signer une déclaration de repentir. Et là, Madame la Procureure n´est pas dans la légalité. Le rapport du Défenseur cité précédemment, page 553, paragraphe 1 fait référence à un prisonnier dont la demande de permission de sortir a été rejetée “car il n´a pas reconnu son acte” et “il ne s´est pas repenti” et continue: “l´accent est mis sur le fait qu´il est logiquement contradictoire de demander le repentir pour une action que le détenu nie avoir commise quand par ailleurs avec l´article 55 du code pénitentiaire est exclue la possibilité de rejet d´une permission pour cette raison” (le repentir). C´est exactement mon cas.
Les huit fois où j´ai assisté à un conseil, on m´a demandé d´attendre 15 minutes avant de m´annoncer la décision. Cette fois-ci, ils m´ont seulement dit qu´ils me donneraient la décision. J´ai attendu 2 semaines et le 25 novembre j´ai fait une demande écrite pour que me soit donnée la décision qui m´a finalement été remise le 7 décembre, c´est-à-dire presque un mois après. Pendant cet espace de temps, la Procureure a pris soin de cacher les 3 points ci-dessus et principalement son exigence que je signe une déclaration de repentir.
Elle a également pris soin, dans l´obscurité du silence, de dissimuler mes études, mes 4 diplômes et mon Doctorat dont elle ne souffle mot dans la décision écrite, puisque c´est en ma faveur. Reconnaissant ainsi directement que si elle en parlait elle n´aurait jamais pu soutenir que ma réhabilitation est incomplète. Elle n´a pas innové, elle a répété aveuglément ce qu´avait dit le Procureur précédent en septembre 2019. Comme l´artifice scandaleux de la transformation des données positives de bonne conduite en données négatives de bonne conduite “en apparence”. Sans aucun élément pour étayer ce qu´elle dit. Et négligeant l´évidence que si la bonne conduite était “en apparence”, cela n´aurait pas été découvert la 17ème année de détention. Cela aurait été découvert beaucoup plus tôt et aurait été cité dans au moins l´une des 8 décisions du Conseil. Chose qui n´est pas arrivée.
La loi prévoit que les permissions sont accordées à tous les prisonniers à l´exception des condamnés pour haute trahison. Selon l´arrêt récent du 17 juillet 2021 j´ai purgé la totalité de ma peine. Donc, le refus de l´octroi d´une permission constitue une violation claire de la loi.
La conclusion évidente est que dans ce cas précis les décisions ne sont pas basées sur la loi mais sur des ordres donnés soit par le pouvoir politique soit par de puissants éléments non judiciaires. Nous avons donc une répétition de ce que M. le Président a qualifié de justice de dictature. Ce qui prouve qu´aujourd´hui elle vit et règne presque un demi-siècle après la chute de la dictature.
Les Procureurs qui ont proposé le rejet de mes demandes et dont les propositions ont été adoptées par les Conseils, ont été avantagés par la suite par des promotions en or à des postes clés. Au contraire, les Procureurs intègres ont été ignorés quand la guerre ne leur a pas été déclarée. Je ne citerai que trois d´entre eux. Le Procureur N.P. qui m´a refusé la permission de sortir en septembre 2019 en violation de la loi. Le Procureur M.M. qui a proposé en septembre 2019 le rejet de ma demande de libération conditionnelle sous surveillance électronique, conformément à l´article 110 A paragraphe 4 du 4619/2019 violant le fondamental article 2 du Code Pénal et maltraitant l´article 465 qui 2 mois plus tard a été jugé anticonstitutionnel. La Procureure S.P. qui m´a baladé pendant 2 ans, refusant de reconnaitre mes diplômes sous différents prétextes. Son remplaçant les a reconnus en 2 semaines.
A la fin de la réunion du Conseil, je me suis adressé à Mme la Procureure: vous souvenezvous de ce que vous m´aviez dit au Conseil pour ma 1ère demande, il y a 11 ans, en octobre 2010? C´était la même Procureure. Vous m´aviez dit: “Vous comprenez qu´aujourd ´hui, c´est la première fois, je ne peux pas vous accorder une permission. Mais je vous promets que votre demande est sur la bonne voie.” Aujourd´hui, vous me dites autre chose.”
Décembre 2021
Prison de Korydallos
Alekos Yotopoulos